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P22. Une appropriation des valeurs et des revendications féministes

a) Logiques carcérales et sécuritaires: entre réforme, récupération et résistance, Béatrice Châteauvert-Gagnon, Université York
b) La politique d'instrumentalisation du féminisme en France sous Macron, Liza Hammar, Université du Québec à Montréal
c) L’ennemi principal, est-il féministe ?, Leila Benhadjouja, Université d’Ottawa

 

Résumé du panel

Les « valeurs » féministes feraient aujourd’hui partie intégrante de nombreuses politiques étatiques et internationales comme en témoigne la reprise de ces revendications au sein de différentes institutions dans de nombreux secteurs d’activité tels que la lutte contre les violences ou encore la place des femmes dans les politiques de développement international. Ces enjeux, nationalement, semblent néanmoins cristalliser des conflits de « valeurs », ce que révèle la convergence de plusieurs mobilisations haineuses et un fort backlash antiféministe autour de « l'intersectionnalité des haines » (Bard, 2019). Or, cette lecture délaisse souvent les dimensions structurelles et le rôle de l’État au sein de ces conflits. En science politique, l’intégration des revendications féministes a principalement été analysée sous l’angle de l’institutionnalisation en relevant la porosité des frontières entre l’État et les mouvements sociaux (Banaszak 2009 ; Blanchard et coll. 2018).
Toutefois, d’autres travaux ont démontré que des enjeux liés aux droits des femmes ont aussi fait l’objet d’instrumentalisation de la part des institutions au nom de politiques sécuritaires, racistes, ou néolibérales, que ce soit pour justifier la mise en place de politiques xénophobes (Farris 2017), ou encore en racialisant le sexisme dans les débats autour de la laïcité et de l’immigration (Arab, Gouyon et Moujoud 2018). De la même manière, l'enjeu de la protection des femmes contre les violences sexistes et sexuelles constitue de plus en plus un argument pour renforcer un système punitif (re)producteur de violences (Bernstein 2012 ; Maynard, 2018).
Pour mieux comprendre ces processus de récupération des enjeux féministes, les communications de ce panel analysent ces phénomènes d’appropriations des valeurs et des enjeux féministes. En tant que concept en études de genre, l’appropriation décrit la forme spécifique d’exploitation des femmes dans la société capitaliste patriarcale (Kergoat 2012). Cette définition initialement appliquée au travail peut être élargie comme « l’usage d’un groupe par un autre pour améliorer sa condition ou assurer sa survie » (Guillaumin 1978, 10). Cet usage peut s’étendre aux groupes minoritaires eux-mêmes, à leur travail et à leur corps, mais aussi aux idées et aux luttes qu’ils produisent. Les communications ont pour but d’enrichir la compréhension de l’évolution des féminismes et des rapports entre groupes minoritaires mobilisés et États au prisme d’une analyse matérialiste renouvelée du politique.

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