Dans l’ouvrage « Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec » , les auteurs et autrice écrivent que « malgré une présence marquée au cours du siècle dernier…, les femmes bibliothécaires ont très peu fait l’objet de recherche au Québec » (Lajeunesse et al., 2020). Dans cette communication, je voudrais contribuer à l’étude des bibliothécaires québécoises et canadiennes en produisant des données sur leur présence dans Wikidata, Wikipédia ainsi que dans des ouvrages sur l’histoire des bibliothèques québécoises et canadiennes. « Compter les femmes pour que les femmes comptent » a-t-on revendiqué dans le domaine de l’histoire de l’art en invoquant un indicateur de visibilité consistant à quantifier la présence des artistes identifiées comme femmes, et leurs œuvres, dans les manuels d’histoire de l’art (St-Martin, 2017). L’étude actuelle s’inscrit dans cette foulée et vise trois objectifs. Le premier consiste à explorer la signification de la visibilité en tant que catégorie sociale qui renvoie à la représentation et la reconnaissance (Taylor, 1989; Brighenti, 2007; 2022). Mais, je voudrais également proposer une définition opérationnelle de la visibilité dans la perspective, plus spécifique et technique, des sciences de l’information et des bibliothèques. Cette définition entend éclairer les relations existant avec les notions d’accès, de visualisation et de découvrabilité. C’est aussi mon cadre conceptuel.

En me servant de ce cadre et de l’indicateur de visibilité qui en découle, mon second objectif vise  à quantifier les entrées consacrées aux bibliothécaires québécoises et canadiennes au sein de Wikidata, Wikipédia (fr.wikipedia) et dans un échantillon d’ouvrages sur l’histoire des bibliothèques québécoises et canadiennes. Le troisième objectif vise à prolonger cet exercice de quantification en évaluant la proportion relative des entrées afin de mesurer le fossé des genres dans ces ressources et d’en faire une appréciation comparative.

La méthode consiste à recenser le genre des éléments humains (femmes/hommes) associé à une occupation (bibliothécaire) et une nationalité (canadienne) par le biais de requêtes dans Wikidata, en plus d’exploiter les catégories bibliothécaire québécois/bibliothécaire québécoise ou bibliothécaire canadien/bibliothécaire canadienne dans Wikipédia. Ce procédé permet de produire des données concernant le nombre et le pourcentage d’entrées consacrées aux bibliothécaires identifiés comme femme ou homme selon la nationalité. Dans le cas des ouvrages d’histoire, nous procéderons par une recherche dans les index. L’analyse de ces données permet de faire émerger certains constats et de visualiser la place de ces bibliothécaires dans ces différentes ressources en plus de fournir une interprétation actualisée du fossé des genres pour cette catégorie de travailleuses.

Je voudrais enfin discuter de ces résultats, d’une part, en explorant certains procédés de visualisation et leurs effets possibles sur la visibilité des bibliothécaires québécoises et canadiennes; d’autre part, en faisant ressortir les limites de cette approche. Je conclurai par une réflexion, fondée sur l’éthique du care et des considérations pratiques en termes d’attention, de responsabilité, de formation et de participation, sur ces questions afin d’agir sur d’autres formes d’invisibilité qui persistent concernant d’autres catégories de travailleuses en bibliothèque qui demeurent encore peu ou pas représentées, reconnues ou étudiées.